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Monitoring de l’efficience des cantons suisses 2009 à 2018

Pirmin Bundi, Nils Soguel
22nd September 2022

Les prestations publiques sont-elles fournies de manière efficiente ? La question est souvent posée, mais elle n’a pas été examinée de manière systématique à ce jour. Pour combler cette lacune, deux unités de recherche de l’IDHEAP – Politiques publiques et Évaluation et Finances publiques– en association avec PwC – un cabinet d’audit– ont lancé l’initiative d’un monitoring de l’efficience des cantons. L’objectif est de suivre à intervalles rapprochés comment l’efficience des cantons évolue pour contribuer à rendre l’État plus performant. Différentes prestations font l’objet de ce suivi. L’édition 2021 intègre la formation, la culture, l’aide sociale et les routes. L’initiative ne consiste pas en un simple bench-marking statique, mais en un examen dynamique, à travers une décennie.


Analyse par enveloppement des données 

Un large spectre de données cantonales relatives aux inputs (les ressources consommées) et aux outputs (les prestations) nous permet d’aller plus loin que les études précédentes. Celles-ci considèrent une seule dimension de la performance (souvent le volume) et la comparent à un seul type de dépenses totales. Or, il est préférable de recourir à différentes dimensions y compris des aspects de qualité. En outre, les dépenses peuvent être de natures différentes et se substituer les unes aux autres, par exemple le personnel et l’infrastructure. Face à cette complexité, la méthode d’estimation DEA (Data Envelopment Analysis) combine plusieurs dimensions (quantité et qualité) et plusieurs inputs afin de dégager un degré d’efficience (illustration 1). Il est ainsi possible de déterminer si le volume des inputs consommés est approprié ou comparativement élevé compte tenu des outputs observés. Dans l’idéal, il faudrait atteindre une efficience de 100 %. En réalité, la valeur de référence est donnée par le canton le plus productif. Les autres cantons obtiennent un pourcentage d’autant plus faible que leur efficience est perfectible. La répartition des tâches entre les cantons et leurs communes n’étant pas uniforme, les prestations et les dépenses communales sont intégrées lorsque cela est nécessaire.

Illustration 1: Le monitoring de l’efficience couvre quatre domaines et englobe plusieurs dimensions de la prestation

Des résultats qui révèlent un potentiel d’amélioration de l’efficience

Les quatre domaines examinés représentent 57% des dépenses cantonales et communales (chiffres 2018). Le degré d’efficience moyen s’établit à 81% en 2019 pour la formation, à 70% pour la culture, à 75% pour l’aide sociale et à 65% pour la route. Pour la formation, l’illustration 2 se concentre sur l’évolution la plus récente, soit entre 2018 (losange jaunes) et 2019 (barres bleus). Le degré d’efficience évolue sensiblement ; surtout dans les cantons 22, 20, 7 ou 6 (de gauche à droite). Parfois, l’efficience ne change guère (AI, GR, BE). Comme dans les autres domaines analysés, l’hétérogénéité entre cantons est importante, quelleque soit l’année. Depuis 2010 dans le domaine de la formation (évolution non représentée dans l’illustration 2), la moyenne intercantonale s’ancre à environ 81%. Seulement les cantons d'Appenzell Rhodes-Intérieures, des Grisons et de Schaffhouse parvient à dépasser la barre des 90% d’efficience. Le maximum atteint par un canton culmine à 91%. Par contre, les cantons ayant enregistré des degrés d’efficience relativement faibles par le passé – le minimum historique s’établissant à 62%– se sont sensiblement améliorés. Toutefois, rien n’est jamais gagné : les cantons –barres– se situant à droite de l’illustration 2 dégagent un degré d’efficience plus faible en 2019 qu’en 2018. Les cantons ne sont pas nommés, car il s’agit de les informer, non de les stigmatiser (à l'exception des cinq meilleurs cantons). Mais chaque canton connaît le chiffre qui lui est attribué. Des analyses complémentaires restent nécessaires pour savoir si des facteurs externes, non maîtrisables, expliquent un faible degré d’efficience ou si les processus pourraient être optimisés.

Évidemment, le monitoring reste tributaire des données. Notre initiative permet donc d’identifier les lacunes dans les statistiques existantes. Une impulsion bienvenue pour compléter les données nécessaires au pilotage adéquat des politiques publiques concernées. Les résultats détaillés du monitoring 2021 sont disponibles sur Serval — Monitoring de l’efficience des cantons suisses (unil.ch).

Illustration 2: le degré d’efficience des cantons dans le domaine de la formation varie entre 92% et 65% en 2018, avec un moyenne d’environ 80%

Note: cet article a été publié dans le cadre du IDHEAP Policy brief.

Référence:

Bundi, P., Soguel, N., Christen, R., Roth, P. (2021). Monitoring de l’efficience des cantons suisses. Université de Lausanne et PwC Suisse. 

Source de l’image: Unsplash.com