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Madame Flick, quel est l’intérêt d’avoir 56 listes au Conseil national dans un canton ?

Martina Flick Witzig, Redaktion DeFacto
28th September 2023

Près de 6'000 personnes se battent sur plus de 600 listes pour près de 200 sièges au Conseil national. La plupart des candidat·e·s n'ont que des chances minimes d'être élu·e·s. Certains partis se présentent désormais avec une demi-douzaine de listes. Est-ce une stratégie prometteuse ? Martina Flick Witzig, qui a analysé le succès des listes et des apparentements de listes, fait le point sur la question.

Les partis obtiennent-ils plus de voix s'ils ont plusieurs listes ? Ou plutôt combien de voix en plus ?

Martina Flick Witzig : Sur la base d'une évaluation couvrant les années 1987 à 2019, on peut constater que le nombre de listes joue un rôle secondaire dans les gains de voix. Selon le modèle calculé, nous constatons un gain de voix de 0,2 à 0,5 point de pourcentage par liste supplémentaire. D'autres facteurs sont beaucoup plus importants, comme le pourcentage de voix obtenu lors de l'élection précédente ou le fait que le parti ait progressé au niveau national. Si nous considérons les mandats, les listes supplémentaires s'accompagnent aussi souvent de gains que de pertes. D'un point de vue statistique, aucun effet ne peut être constaté.

Les partis ont-ils effectivement déjà pu gagner des sièges supplémentaires grâce à plusieurs listes ?

Lors des élections fédérales de 2019, le PDC argovien s'est présenté avec neuf listes. Il a réussi à augmenter sa part de voix de 1,3 point de pourcentage, contrairement à la tendance nationale, ce qui lui a permis d'obtenir un mandat supplémentaire. Cet exemple a visiblement fait école, car nous observons une forte augmentation du nombre de listes lors des élections actuelles par rapport à 2019. Ce sont surtout le centre, le PVL et les Verts qui se lancent dans la course avec nettement plus de listes qu'il y a quatre ans. [Note de la rédaction : Georg Lutz a examiné dans un article de DeFacto quels partis avaient le plus de listes.]

Cette profusion de listes a-t-elle aussi des inconvénients ? Lesquels et pour qui ?

L'afflux de listes entraîne un surcroît de travail à différents niveaux. Il y a par exemple les partis qui doivent recruter des candidat·e·s pour les listes supplémentaires. Les candidat·e·s investissent du temps, de l'argent et de l'énergie dans une campagne électorale qui, dans la plupart des cas, n'a aucune chance d'aboutir sur le plan personnel. Dans certains cantons, les listes ont dû être imprimées sur un papier spécial pour qu'elles puissent encore être réunies en un seul lot. Pour le corps électoral aussi, le grand nombre de candidat·e·s n'est pas seulement un avantage, car il devient de plus en plus difficile de s'y retrouver. Cela est particulièrement vrai dans les cantons où le nombre de mandats à attribuer est relativement élevé. L'office des statistiques du canton de Zurich a par exemple calculé que le corps électoral zurichois a 7.49*1072 possibilités de remplir un bulletin de vote valable. Et je sais par expérience que cela devient également plus pénible pour le personnel des bureaux électoraux lorsque, lors de la mise au point et de la saisie des bulletins de vote modifiés, les numéros de candidat·e·s doivent être recherchés dans un vaste catalogue.


Martina Flick Witzig
Martina Flick Witzig est titulaire d'un doctorat en sciences politiques et administratives. Elle est assistante aux chaires de politique suisse et de sociologie politique de l'Université de Berne. Elle mène des recherches sur la politique et les institutions suisses.

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Note: Un reportage sur le nombre croissant de listes est paru le 18.08.2023 sur SRF

Image: SRF