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Monsieur Bochsler, la formule magique a‑t-elle fait son temps ?

Daniel Bochsler, Redaktion DeFacto
27th October 2023

Le PLR est représenté au Conseil fédéral par deux sièges, mais il perd constamment des parts d'électeurs et des sièges au Parlement depuis longtemps. Après ses récentes pertes, le PLR a-t-il encore droit à deux sièges au gouvernement national ? Daniel Bochsler a calculé toutes les formules possibles et évalue la situation.

Après les élections au Conseil des États, le groupe parlementaire du centre devrait être plus large que celui du PLR. Le PLR devra-t-il ainsi céder l'un de ses deux sièges au Conseil fédéral ?

Daniel Bochsler : J'attends avec impatience le second tour des élections. Mais il n'y a pas d'automatisme dans la formule magique. Et il est encore moins clair sur quoi repose la formule magique : sur la force électorale ou sur la composition de l'Assemblée fédérale. Ces dernières années, certains partis y ont ajouté des éléments nouveaux et créatifs. Par exemple, que la formule de gouvernement au niveau fédéral devrait être dérivée des formules de gouvernement des cantons ou qu'elle devrait être calculée sur la base de blocs imaginaires au Parlement. La première solution peut être tout à fait logique, mais semble être une modification pragmatique de la formule pour justifier des prétentions de sièges. La seconde solution permettrait de jouer sur la flexibilité des apparentements de listes en fonction de la situation et ouvrirait la porte à des contorsions et des deals stratégiques.

Si le PLR doit céder un siège, qui devrait l'obtenir ?

Le PLR ne doit actuellement céder aucun siège. Je ne vois aucun intérêt à le faire dans le camp de la droite, et le président du Centre dit à tous les micros qu'on lui tend qu'il ne révoquera pas les conseillers fédéraux en fonction – il me semble qu'il préfère employer la terminologie masculine plutôt que féminine. Il n'y a donc pas de majorité pour révoquer les élus PLR en exercice, qu'ils aient des états de service ou non.

En cas de vacance du PLR, les Verts seront probablement mis en avant. Dans la plupart des modes de calcul, ils représentent plus de la moitié de la force du PLR, et il est donc clair que le PLR ne peut guère justifier une double représentation tant que les Verts ne sont pas aussi représentés. Balthasar Glättli se réfère volontiers au calcul correspondant. S'il voulait passer dans les médias pour quelqu'un de tête en l'air, il pourrait faire référence à la formule électorale de Sainte-Laguë. Celle-ci n'est pas inconnue en Suisse, le canton de Bâle-Ville élit son Grand Conseil avec cette formule, et elle est à la base de la double proportionnalité utilisée dans un nombre croissant de cantons. L'argument de Glättli serait que les voix des électeurs ou les sièges du Conseil national sont ainsi représentés le plus possible de manière inversée.

Si l'on considère les parts d'électeurs, l'UDC serait deux fois plus importante que le PLR, et donc plus proche d'un troisième siège que le PLR du deuxième. L'UDC aime bien insister sur l'argument arithmétique, mais je n'ai jamais entendu l'UDC réclamer une représentation à trois. Soit parce que la situation serait différente selon la composition du Conseil des États et l'arithmétique de base, soit parce que l'UDC devrait laisser la place aux Verts selon la formule de proportionnalité utilisée, c'est-à-dire si l'on ne calculait pas selon la proportionnalité du Conseil national mais selon Sainte-Laguë. Mais plutôt parce qu'un troisième siège de l'UDC n'aurait de toute façon aucune chance politique et serait probablement taxé d'arrogance par l'opinion publique. De plus, l'UDC ne veut pas assumer trop de responsabilités gouvernementales, alors qu'elle devrait le faire en tant que seul parti gouvernemental avec trois représentants.

Il n'y aurait de revendication du Centre que selon la dernière formule de classement 2-2-2-1, avec laquelle le PLR a colporté ces dernières années. Mais je ne vois que des pseudo-arguments en faveur de cette formule. Si j'ai bien compris, cela n'a jamais été aussi clair pour moi, aucun parti ne devrait être plus représenté au Conseil fédéral que les autres, et moins de quatre partis seraient trop peu, plus de quatre partis seraient trop nombreux. Bien entendu, la formule 2-2-2-1 deviendrait intenable s'il existait un parti disposant d'une majorité absolue au Parlement, car celui-ci devrait bien entendu compter au moins quatre membres au Conseil fédéral. Ou si le quatrième parti ne représentait qu'un faible pourcentage à un chiffre. Nous ne verrons probablement ni l'un ni l'autre au cours des prochaines décennies, mais ces exemples de calcul hypothétiques montrent qu'une formule de classement fixe n'a justement rien à voir avec la prétendue proportionnalité.

Il est clair que le Conseil fédéral n'est pas composé à l'aide d'une calculette, mais politiquement, et que le Centre a un avantage dans la structure politique des partis s'il veut disputer le deuxième siège au PLR, éventuellement dans le cadre d'une sorte d'alliance de circonstance avec le PVL et d'un accord selon lequel le siège doit être rotatif. Ils ont probablement le ou la parlementaire médian·e, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de majorité sans le Centre, ni à droite ni à gauche, ce qui lui confère un pouvoir particulièrement important.

 

Existe-t-il vraiment une formule de calcul pour la composition du Conseil fédéral ?

Aucun de ces calculs n'est reconnu d'une quelconque manière. Contrairement à l'Irlande du Nord, par exemple, où il existe une formule légale proportionnelle, non seulement pour la répartition des sièges au sein de l'exécutif, mais aussi pour la répartition des ministères. Sur la base du nombre de sièges au parlement régional, un ordre est établi selon lequel les partis peuvent choisir les ministères. L'avantage est qu'ils n'ont pas besoin de se parler pour former le gouvernement. Rien de tout cela n'est valable en Suisse. En 1959, sous l'impulsion du Parti conservateur-chrétien social, le Centre de l'époque, le PS a obtenu un deuxième siège au Conseil fédéral, et différentes interprétations en ont été tirées, mais tout cela relève de la magie des chiffres ad hoc. Il s'agit plutôt de considérations politiques. Et souvent, il s'agit du fait que la formule en vigueur n'est guère appréciée, mais qu'il n'y a pas de majorité pour la modifier.

 

Pourquoi ne peut-on pas déduire un droit direct à un siège sur la base des parts de suffrages ?

On pourrait le faire, mais ce serait le système d'une élection directe par le peuple à la proportionnelle, ou d'un mécanisme indirect formulé de manière à y ressembler. Pour en avoir un exemple, il ne faut pas chercher bien loin, il suffit de regarder au Tessin.

 

En Suisse, les conseillères fédérales et conseillers fédéraux sont dans la grande majorité des cas réélu·e·s. Quel serait le bon moment pour un éventuel changement de la composition partisane du Conseil fédéral ?

Si l'on considère que la réélection est sacro-sainte, la composition ne peut changer qu'en cas de décès ou de démission volontaire d'un·e représentant·e du parti concerné. On donne ainsi au parti et à ses membres du Conseil fédéral un moyen stratégique. C'est pourquoi les membres du gouvernement fatigués de leur mandat peuvent se voir contraints de rester en fonction plus longtemps qu'ils ne le souhaitent, tandis que d'autres se sentent poussés à se retirer plus tôt. On pourrait y remédier en procédant à des révocations délibérées, que ce soit en raison d'une gestion insatisfaisante, de changements d'alliances politiques ou de déplacements du corps électoral. Mais il est très rare de trouver une majorité à l'Assemblée fédérale pour cela. Cela est peut-être lié au mode d'élection, c'est-à-dire au scrutin uninominal. Je ne sais pas si cette sacro-sainte règle de réélection est une bonne chose.


 

Daniel Bochsler

Daniel Bochsler est professeur associé de nationalisme et de sciences politiques à la Central European University (CEU) et professeur à l'Université de Belgrade. Il a passé son habilitation à l'Université de Zurich, où il est chargé de cours. Ses recherches portent sur les institutions politiques dans les sociétés divisées, récemment principalement en Europe centrale et orientale. Il a largement publié sur la politique suisse, dernièrement avec un regard extérieur sur la démocratie suisse dans l'Oxford Handbook of Swiss Politics.

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image: wikimedia commons